Les Larmes noires / Julius Lester
Très gros coup de coeur pour ce roman de Julius Lester !
1859, dans une plantation de Georgie, Etats-Unis. Pierce Butler, propriétaire d'une gigantesque plantation de coton décide de vendre la quasi-totalité de ses esclaves pour couvrir ses énormes dettes de jeu. Le jour de cette vente (la plus grande de toute l'Amérique) plus de 400 personnes seront vendues, dont Emma, 13 ans, la nounou des enfants Butler
Inspiré de faits réels, ce livre est un petit chef d'oeuvre. Ecrit comme une pièce de théâtre, chaque évènement est relaté tour à tour par les différents personnages : Emma, ses parents, le maître Butler, la petite Sarah et sa soeur Frances... Ce découpage rend le propos alerte et direct. Derrière une haine froide et contenue, on ressent toute la douleur d'Emma, de sa famille et des autres esclaves qu'elle côtoie.
Mais tout les "Blancs" ne sont pas si mauvais puisque Monsieur Henry et l'ex madame Pierce vont venir en aide à Emma et son mari. C'est sur une note positive que se termine cet ouvrage très fort.
A lire absolument !!
Extrait:
La cuisine
(La cuisine de la maison de Pierce Butler. C'est le soir. Des bruits de voix et des rires s'échappent de la salle à manger. Mattie (mère d'Emma) se tient devant les fourneaux. Elle prépare le repas. Dans un coin , affaissée sur une table, la tête sur son bras replié, Sarah dort)
Mattie : quand j'ai entendu crier cette petite, j'ai compris que quelque chose d'horrible était arrivé. Je l'ai entendue de loin, et plus elle se rapprochait, plus son cri était fort. Je me suis précipitée dehors. Elle est descendue de la diligence avant même que celle-ci soit complétement arrêtée. "Papa a vendu Emma! Papa a vendu Emma!". Elle sanglotait. Maitre Butler n'osait pas me regarder. Il a soulevé Frances du sol et l'a transporté jusqu'à la maison comme s'il avait peur qu'elle vienne me rejoindre, elle aussi. [...]
Will devait aller panser et nourrir les mules. Moi, je devais m'occuper du banquet du maître. Il avait invité plein de monde à venir célébrer tout l'argent qu'il avait gagné en vendant ses esclaves. "Allez retrouver votre papa, maintenant, Mademoiselle Sarah", j'ai dit. "Je le hais!" elle a répondu en secouant la tête. Je ressentais moi-même une telle colère vis à vis de cet homme que je n'ai pas insisté. Si ma colère s'était transformé en flammes, tout aurait brûlé autour de moi. [...] Je ne savais pas qu'on pouvait être à la fois triste et emplie de rage. Quand je pense au maître, j'ai l'impression que mon sang est en train de bouillir dans mes veines. Et tout de suite après, je pense à Emma et les larmes me montent aux yeux. Will m'a expliqué qu'une dame du Kentucky l'avait achetée. Seigneur, aie pitié de mon enfant! je t'en supplie.
Les Larmes noires / Julius Lester. Hachette jeunesse, 2007