Le Coeur cousu / Carole Martinez
Au Sud de l'Espagne andalouse, à une époque où les femmes vivent le plus souvent cachées au coeur des maisons, Frasquita reçoit de sa mère, lors d'une nuit sans lune, une précieuse boîte en bois, qui va lui donner un don : celui de savoir donner vie à travers la couture au plus misérable bout d'étoffe, dans un quotidien où la couleur est bannie et où les femmes portent le deuil à vie. A partir de ce jour, elle trouvera sa force et le chemin de sa destinée grâce à ce fabuleux don. Mais n'est-ce pas plutôt une malédiction ? Car chacune des filles de la famille recevra un jour dans ces mains ce coffret et le cadeau empoisonné qui scellera en même temps sa vie.
C'est ainsi que la dernière fille de Frasquita, par le don de l'écriture, raconte la terrible histoire de sa mère et de sa famille : la folie du père puis leur transhumance à travers l'Espagne et leur rencontre avec des révolutionnaires, les destins marqués de chacun des enfants de la famille et leur passion pour en découdre avec la vie.
Ce roman est une véritable épopée empreinte de magie, de passion, de colère, de violence et de déraison dans un paysage aride, sec comme le coeur parfois de cette femme, Frasquita, à la fois envoûtante et mystérieuse. Je me suis laissée embarquer sans aucun problème dans cette fresque familiale, ce tourbillon. Une écriture envoûtante (je ne trouve pas d'autres adjectifs), forte, colorée. J'ai basculé dans un autre univers, une autre dimension le temps de cette lecture et j'en suis ravie.
Le coeur cousu / Carole Martinez. Gallimard, 2007 (édition poche folio 4870, 2009)
Extrait : p.391 : "Depuis le premier soir et le premier matin, depuis la Genèse et le début des livres, la masculin couche avec l'Histoire. Mais il est d'autres récits. Des récits souterrains transmis dans le secret des femmes, des contes enfouis dans l'oreille des filles, sucés avec le lait, des paroles bues aux lèvres des mères. Rien n'est plus fascinant que cette magie apprise avec le sang, apprise avec les règles. Des choses sacrées se murmurent dans l'ombre des cuisines. Au fond des vieilles casseroles, dans des odeurs d'épices, magie et recettes se côtoient. L'art culinaire des femmes regorge de mystère et de poésie. Tout nous est enseigné à la fois : l'intensité du feu, l'eau du puits, la chaleur du fer, la blancheur des draps, les flagrances, les proportions, les prières, la mort, l'aiguille, et le fil...et le fil." [...]
Une multitude de billets sur ce roman, primé de nombreuses fois, à découvrir ici grâce à l'excellent travail de Blog-O-Book